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Que faire des débats sur la transition énergétique ? 

23 mai 2013

                                                                                 

« croire que l'on modifiera quoi que ce soit

par la voie institutionnelle est illusoire » 

Jacques ELLUL

 

 

 

Saviez-vous que nous avons eu – en Languedoc aussi ! – un dialogue 'citoyen' autour de la transition énergétique ? Non ? et pourtant : ce fut le cas par exemple à Narbonne où le parti Europe Écologie Les Verts organisait le mardi 14 mai 2013 une des rares réunions officielles de débat sur la transition énergétique. Organisée par EELV mais avec la participation d'élus socialistes. On les croyait introuvables ces débats, ...eh bien non, il suffisait de bien chercher ! car ce ne fut pas un large public qui était présent mais une cinquantaine de personnes, toutes plus ou moins au fait de la problématique de la transition énergétique. Beaucoup d'associations. Des interlocuteurs valables qui ont probablement l'habitude des coulisses des mairies et autres préfectures.

 

Rien à voir avec les grands débats organisés par la CNDP pour les nanotechnologies. Le pouvoir central aura laissé les 'territoriaux' se débrouiller 'à la base'. Les conférenciers étaient choisis parmi les élus et les experts du terroir. On a eu droit à une présentation assez consensuelle : faire des économies d'énergie fossile, maintenir la biodiversité et passer aux énergies renouvelables, etc... Ensuite un très long et ennuyeux panégyrique – dont sont coutumiers les élus locaux – de l'action de la Communauté des Communes de Narbonne et environ. Une élue a donc détaillé les mesures prises – selon elle – dans le sens de la transition énergétique : depuis la cantine se fournissant de produits locaux – quand c'est possible ! – aux isolations des nouvelles constructions faites par la communauté de communes en question, etc. Ceux-là sont assurés – pensent-ils – de faire ce qu'il faut et tout ce qu'ils peuvent ; et la gestion des affaires, quelles qu'en soit le type, ça les connaît ! Pas l'ombre d'une hésitation dans leur discours, c'est bien comme ça – même si ça ne va pas assez vite, même si certains de leurs collègues traînent les pieds dans le sens de la transition énergétique – que les choses doivent être entreprises. Pour ceux-là il n'y a pas d'alternative : ce sont les institutions de l’État, du sommet à la base (avec un zeste de 'participation') qui mettront en place la transition énergétique ! (0) Mais ils le rappellent parfois - en tous cas on ne peut que l'entendre ainsi : cela ne va pas sans le fait de rester au service de l'économie. Tout de même ! Est ce que finalement, ça ne revient pas à mettre un peu d'âme dans le corps gangrené de la République... à voir !Borloo vélo

Il y a ensuite ceux qui – plus sympathiques – se rendent bien compte qu'au delà des discours des maîtres du monde et des grands messes à Copenhague, Rio ou ailleurs, on n'avance pas. Alors que la destruction, elle, ne cesse d'aller de l'avant à grands pas. Malgré tout – comme a dit l'un d'eux – il faut combler par la hardiesse de notre volonté les vides créés par le manque de conscience politique de nos contemporains. Il parlait bien sûr de ...ceux qui étaient au pouvoir.

Vint le tour du public. On apprend parfois des choses intéressantes : selon un intervenant, en Italie, depuis que l'on a renoncé au nucléaire, de nombreuses communes produiraient leur électricité et satisferaient leur besoin en énergie électrique (surtout avec des énergies renouvelables). Il est intéressant d'évoquer cette possible décentralisation énergétique dans un pays comme la France où on pourrait la croire tout à fait impossible. Discours d'experts à l'appui bien sûr. Ce monsieur, après avoir encensé cette initiative, ajouta qu'il s'agissait là d'une situation qualitativement différente de l'économie centralisée à la française ('soviétique', dit-il même) qu'il vilipende hardiment bien sûr. Serait-ce pour autant l'avènement de l'autonomie énergétique tant désirée ?... Serait-ce aussi pour couvrir des besoins d'une part qui sont réels et, d'autre part, dont la population a la maîtrise ?

Bien sûr, dans le musée des horreurs nucléaires la France a le pompon. Pour autant, la situation italienne n'a pas grand chose de bien enthousiasmant. Si l'étau des grosses entreprises s'est (un peu) desserré en apparence autour de la production de l'électricité, on voit que dans bien d'autres secteurs ce n'est pas le cas. On rappellera seulement le cas d'Ilva, la méga usine sidérurgique de Tarente (la plus grande d'Europe : 20 000 ouvriers), qui a produit des taux astronomiques de cancers et autres nuisances depuis qu'elle existe. Et qui a été récemment accusée puis fermée par décision de justice après tant d'années de mauvais et déloyaux services. En fait, les communes italiennes ne jouissent pas de plus d'autonomie (énergétique ? économique ?) que les communes françaises, elles sont tout aussi assujetties à la logique d'un système où il faut produire toujours plus et souvent ...pire !

 

Dans le débat sur la transition énergétique comme dans toutes les 'concertations' organisées ces dernières années par le pouvoir on peut soulager sa conscience citoyenne puisqu'il est convenu que chacun puisse y dire ses critiques ou ses états d'âme. Les gens diront donc : « on pourrait faire ceci ou cela... » mais finalement ce n'est pas compatible avec le monde tel qu'il est alors ...la sagesse des gestionnaires consiste à laisser faire selon la nature des choses (de l'économie). La soi disant force des choses ! Réalisme et pragmatisme, disent-ils : en fait, les débats sont là pour qu'on accepte le fait accompli. Les thèmes abordés sont parfois manifestement biaisés comme, par exemple, ces débats en cours (1) sur l'enfouissement des déchets nucléaires (eh oui, il n'y a pas que la transition énergétique à faire débat en ce moment !) ; il y est question de seulement raconter comment on va enfouir ces déchets ; on peut sans doute y énoncer la nécessité de refuser cet ignoble enfouissement (2) mais – qui l'eût cru ? – ceci restera lettre morte car le refus est totalement inenvisageable par le pouvoir qui a déjà fait son choix. Il n'y a donc pas de débat et les énergumènes qui nous gouvernent gèrent ces abominations et ensuite voudraient nous faire croire que celles-ci sont majoritairement acceptées par la population.

 

 

Soutien-Riesel.jpg

On est malheureusement dans un cadre où une analyse lucide ne peut apparaître que comme désespéréeet certainement désespérante !  (sur le fond du problème que constitue la transition énergétique lire la page Energies renouvelables Transition énergétique) Dans l'esprit des citoyens modèles qui fréquentent les sphères politiques, les institutions de la République sont potentiellement capables d'ouvrir la voie à tous les remèdes aux maux existants de notre monde bien malade. En d'autres termes, le monde ne peut être autrement qu'il n'est ; on est - c'est un axiome ! - capable de trouver remède à tous les maux sans avoir à rien changer d'essentiel dans ce monde – mais enfin, vous n'y pensez pas ? changer le monde …. !!! Si d'aventure quelqu'un 'démontre' qu'il n'y a pas de transition énergétique possible dans le cadre des institutions et dans celui de l'économie – mondialisée ou pas ! – il fait alors figure d'oiseau de mauvais augure ou d'utopiste de malheur.

 

Soyons plus précis, il ne s'agit bien sûr pas de désespoir ou de situation impossible – seul l'avenir dira quels possibles se sont réalisés – mais bien d'en finir avec les agressions et la violence de l'économie soutenue, entretenue et souvent dirigée par les divers États. Comment peut-on penser autrement qu'en terme de violence qui nous est infligée, les déversements de bidons contenant des produits hautement radioactifs en pleine mer pendant des années par le Commissariat à l'Energie Atomique (une entreprise publique, chers amis du Front de Gauche et de la CGT), le déversement des nitrates dans les eaux souterraines maintenant totalement polluées, et j'en passe. (3) Il y a de quoi se dire que, ce monde demeurant tel qu'il est, on ne sortira pas de l'impasse dans laquelle la logique de l'économie nous a menés. En arriver cependant à se dire qu'il faut changer le monde et s'y atteler tout de suite est une pensée impossible ...pour un politicien en place, c'est sûr. Mais aussi pour les multiples personnages qui veulent s'y substituer.

 

 

On a donc pu constater que les « experts en sociologie participative » balisent bien le terrain : quand un bon débat a lieu c'est que des politiciens professionnels, des patrons et des experts institutionnels apportent une solution préalablement calibrée à la population (4) – laquelle a tout de même le droit de se plaindre, voire de regimber ! On est en démocratie, n'est ce pas ?  Pour le reste, et c'est la seule chose qui importe vraiment, quand " selon une harmonieuse division du travail, techno caste et pouvoir étatique se (donnent) la réplique " (5) ils sont de toute façon d'accord sur l'essentiel (6) : la transition énergétique 'compétitive' qui relance la croissance, comme dirait le MEDEF, et la monopolisation de toute décision politique par les experts et les politiciens. Il est clair que, de ce point de vue, ils n'ont, quand ils se rencontrent, que le souci de régler les détails, de l'ordre de la gestion des affaires courantes ! En d'autres termes, si on en vient à expliquer que le capitalisme nous mène droit à la catatrophe (...ou plutôt l'aggravation de la catastrophe que nous vivons déjà) la critique est évacuée pour cause de manque de pragmatisme écologique et, par conséquent, tout questionnement de ce type devient caduc et qualifié d'utopique. Alors qu'en étant l'écolo de service (7), en cherchant les solutions ici et maintenant - tout en étant parfois (...mais verbalement seulement !) opposé au capitalisme - ça passe bien mieux puisque ça ne remet pas la domination en question.

 

 

 

(0) "  Hors du monde, hors du temps, se déroule inutilement le fumeux Débat national sur la transition énergétique (DNTE), sous la houlette de l'improbable duo Delphine Batho (parait-il ministre de quelque chose) / Nicolas Hulot (« Envoyé spécial de l'Élysée pour la planète », sans rire).

Pour remplir la salle, un « Conseil national du débat » a été mis sur pied, principalement composé de pollueurs et d'écologistes officiels (et donc inoffensifs). Tout ce petit monde vient de mettre à jour quatre scénarios de « transition énergétique », censés coller aux engagements pris par M. Hollande... pour quand il ne sera plus président depuis longtemps.
Les pronucléaires proposent des scénarios avec nucléaire, les « écologistes » aussi (un peu moins tout de même, faut pas exagérer)...."

OBSERVATOIRE DU NUCLEAIRE 26 mai 2013.

 


(1) « Nous voulions présenter le projet industriel qui répond à la loi qui a acté l'enfouissement des déchets radioactifs comme la meilleure solution. Mais on ne considère pas que tout est acquis. Tous les sujets sont discutables », a assuré à l'AFP la directrice générale de l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra), Marie-Claude Dupuis, après le fiasco de la réunion.

Le débat public c'est juste, "Venez voir comment on va enfouir ces déchets nucléaires chez vous", et non pas "Faut-il les enfouir ou non?", avait ainsi déploré un collectif d'écologistes.

site internet Romandie 23 mai 20133


(2) qui condamnera toute vie sur Terre pendant des milliers d'années à craindre que ces substances terriblement dangereuses ne nous 'retombent sur le tête'... jusqu'au jour où elles le feront.


(3) L’État français en rajoute en assurant la promotion des nanotechnologies et de la biologie de synthèse (voir le site de Pièces et Main d'Oeuvre ). Aucune entreprise privée ne prendrait le risque du nucléaire ni des nanotechnologies ; aucun assureur d'ailleurs ne prend le risque de les assurer ; la centrale de Fukushima ne l'était pas.


(4) "Tout cela doit se traduire très concrètement dans le débat actuel par l’abandon de posture idéologique et stérile. Chacun des partis, et notamment les organisations environnementales, doit adopter une attitude pragmatique, négocier des compromis avec les particuliers (qui ne sont pas prêts à se sevrer d’électricité brutalement) et surtout avec les industriels"

Site "L'usine nouvelle"

 

(5) Bernard Pécheur : Terrorisme nucléaire : l'abîme de la servitude in " Le gouvernement par la peur au temps des catstrophes" (réflexions anti industrielles sur les possiblités de résistance) Editions de la Roue.

 

(6) « la transition écologique au coeur du nouveau projet politique de la gauche», rédigé sous la houlette de Laurence Rossignol, la secrétaire nationale au Développement durable et à l'environnement et discuté en commission environnement. Celui-ci a pour objectif de « rendre explicite le lien entre écologie, justice sociale, santé, progrès et création de richesse », est-il écrit en introduction du texte. think green

« ...nous pensons être en mesure de démontrer que notre projet écologique est porteur de développement et d’emplois -qui plus est non délocalisables- que ce soit à travers le logement, les transports ou les énergies renouvelables». L’UDI compte d’ailleurs avoir des mesures concrètes à proposer pour les municipales de 2014, une élection où traditionnellement les écologistes obtiennent des bons scores dans les urnes… »

 

Dans son think-tank qu’il veut « transpartisan, transparent et participatif », l’objectif est donc de « sortir des slogans ». L’idée est de partir de la « création d’emplois et de valeur -car c’est essentiel pour être audible- pour aboutir à des mesures concrètes », rédigées par des experts d’horizons divers (universitaires, acteurs économiques, politiques, de l’administration, scientifiques, etc.), validées par un conseil d’administration et soumises à d’éventuels amendements du public lors d’une phase de consultation sur Internet, précise-t-il. « Nous analyserons  les impacts économiques, sociaux et environnementaux de toutes ces mesures ainsi que les détails de leur mise en œuvre car c’est ce qui pêche actuellement », affirme Géraud Guibert.

« Il y a énormément d’idées en matière de transition énergétique et écologique mais celles-ci n’ont pas toujours la possibilité d’être portées à la connaissance du public.» Ni au monde économique, ce qui a donné l’idée au think-tank d’organiser des prix permettant de mettre en relation des grandes entreprises marraines et des start-ups ayant un projet environnemental et social.

Les citations de cette note (5) proviennent du site Novethic : L'écologie fait son retour en politique

 

nouveauté du 30 mai 2013 : Tous unis "Syndicats" patronaux et syndicats de salariés (pas tous quand même) pour sauver l'emploi et les ...gaz de schistes :   «L’enjeu central est aujourd’hui de bâtir une politique énergétique qui soit un levier à la fois de développement durable, de compétitivité et de croissance», écrivent les syndicats signataires de ce rapport, à savoir le MEDEF, la CGPME, l’UPA mais aussi la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. Rappelons qu’il s’agit des organisations qui avaient signé en janvier dernier l’accord sur l’emploi,désormais transformé en loi. 

site 20 minutes.fr

 

 

(7) Et c'est bien la preuve de la déviation terrible subie par le mouvement écologiste qui ferait retourner dans leur tombe les premiers écolos qui dans les années 60 ont mis en question le capitalisme et le développement économique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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