Bulletin critique
3 avril 2010.
29 décembre 2012.
Retour sur les nanotechnologies et ...
l'homme augmenté !
Les lunettes n’augmentent pas l’homme mais un individu particulier précisément en vue d’acquérir des capacités humaines -considérées comme “normales”- qui lui
manquent. En effet, voir pour pouvoir lire -par exemple- est apparu comme indispensable à une époque où on a ressenti dans un certain milieu comme nécessaire d’avoir cette “prothèse” le cas
échéant. Cela n’augmente pas l’Homme car cela ne lui confère pas des capacités au delà de la condition humaine commune.
Par contre, le bracelet montre permet d’avoir l’heure, ce qui, sans conteste, lui donne des capacités qui ne sont pas dans sa nature. Dans le monde qui a fabriqué
les horloges puis les montres compter le temps qui s’écoule a été identifié comme un besoin (ce qui n’était pas le cas dans les conditions de vie des époques qui ont précédé). La montre a donc
augmenté l’Homme pour le rendre plus adéquat à un système de productivité qui requerrait cette capacité.
Tout le problème est là : considérer que le système social qui englobe les individus est indiscutable pose problème… surtout quand on veut avoir une approche
philosophique de cette question. En effet, on a de cesse de dire que le monde moderne est fait de courses -assez vaines au bout du compte- pour acheter, produire, travailler, étudier, etc. Et il
faudrait se contenter de mettre ces innovations qui “augmentent l’Homme” sur le dos d’un “progrès” inévitable, indiscutable (dans le sens où il n’est question ni de le remettre en cause ni de
changer de perspective). Il serait au contraire philosophiquement fondé de mentionner les causes de cette perpétuelle recherche de prothèses qui
permettent aux hommes d’évoluer en se conformant aux nécessités créées par ce monde !
En somme, se poser la question de l’ “Homme augmenté” conduit directement à se poser la question du monde qui le
rend nécessaire. Dans une société agricole traditionnelle on n’a nul besoin de porter une montre à son poignet. Mais pas besoin non plus de tous les objets que nous achetons
aujourd’hui et qui nous apparaissent parfois tout à fait indispensables et, en même temps, souvent comme oppressants et superflus. La démesure de
l’Homme augmenté, c’est en fait la démesure du monde qui le fabrique.
En fait, la question qui devrait se poser est bien de savoir quel besoin on a d’augmenter l’Homme en se posant la question du monde …qui a besoin de cet homme
augmenté !
Les industriels fabriquent des prothèses pour cet homme augmenté sans rien nous demander et nous les font acheter – comme ils nous font acheter n’importe quelle
marchandise (doit-on rappeler que le budget de la publicité constitue 50% du budget global ? et que celle ci est terriblement efficace !) Eux savent pourquoi ils fabriquent les prothèses qui
doivent servir à s’adapter à leur monde de plus en plus invivable. A nous de réfléchir et de mettre en avant tous les arguments qui nous amènent à les rejeter. Ils ne manquent pas.
Les apologétiques de « l'homme augmenté » ont cette tendance fâcheuse (mais trop fréquente) à considérer
que le monde tel qu’il est aujourd’hui est un phénomène … “naturel” comme le vent ou le bleu du ciel. Inconstruit, incréé et donc inamovible, indestructible ! En conséquence, il n’y a pas de
questions à se poser à son sujet, il faut s’adapter, c’est tout ! Puisqu'il est mouvant, fuyant, constamment à 'saper ses propres bases'. Ce point de vue légitime donc toutes les
innovations permettant cette adaptation. Aussi saugrenues soient-elles, comme ces monstrueux hommes augmentés que nous préparent les nanotechnologies et autres 'nouveautés hybrides'.